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Découvrez les coulisses de la construction du superpipe

Découvrez les coulisses de la construction du superpipe

Rencontre avec Benjamin Ravanel, fondateur de l’incontournable société Ravach Parks, qui travaille à la construction du superpipe de Tignes chaque année depuis 2010 pour les grandes compétitions internationales.

Tignes, le 21 mars 2018

 

Quelles sont les dimensions du superpipe de Tignes ?

Le superpipe mesure 180 m de long (+ 20 m de rampe, donc 200 m en tout) pour 21 m de large et 7 m de haut. Ce sont d’ailleurs ses dimensions XXL qui en font un superpipe, et non pas un simple halfpipe.

 

Qu’est-ce qui rend le superpipe de Tignes unique ?

Ses dimensions, justement : c’est le seul superpipe de France qui peut accueillir une compétition de niveau international, comme les X Games de 2010 à 2012, ou encore aujourd’hui la finale de la Coupe du Monde de Halfpipe.

Il n’existe que trois superpipes en France :

  • Celui de Tignes
  • Celui de Méribel (mais qui ne fait « que » 120 m de long)
  • Et celui des 2 Alpes (ouvert uniquement en été).

Le halfpipe d’Avoriaz, quant à lui, est moins haut : 5,5 m.

 

Le superpipe de Tignes et aussi unique de par son accessibilité : il est situé au pied des pistes, en front de neige. Parfait pour les supporters qui viennent soutenir les athlètes en compétition ! Et le cadre est vraiment magique de jour comme de nuit avec la Grande Balme en arrière-plan.

 

Il est vraiment réputé dans le monde du freestyle : les meilleurs riders s’y sont frottés, l’ambiance est vraiment festive lors de la finale en nocturne, la vue est magnifique…

 

©Yoann PESIN

 

Quelles sont les étapes de construction d’un superpipe ?

  • La première étape a été de construire une préforme en terre de 170 m de long en 2009, juste avant la première édition des X Games Tignes. Cette structure nous a permis de diminuer les quantités de neige nécessaires à la construction du halfpipe.
  • Deuxième étape : buller, c’est-à-dire pousser la neige pour la répartir correctement du bas jusqu’en haut du pipe.
  • Troisième étape : le shape à proprement parler. Je commence par tendre une corde du haut jusqu’en bas pour faire une ligne bien droite de chaque côté, et je découpe à la tronçonneuse tout au long de cette ligne pour me faire un repère. Ce n’est qu’après que je viens tailler la courbe avec la « Zaugg », le fameux bras arrondi qui sert de gabarit.
  • Dernière étape : le travail de la jonction entre la courbe des murs et le plat du « U ». C’est une des étapes les plus importantes puisque c’est cette jonction qui va faire qu’un rider gardera ou pas de la vitesse tout au long de son run et pourra prendre de la hauteur pour faire des tricks (ou figures) complexes.

 

Combien de temps est-ce que ça prend de shaper un superpipe ?

Rien que pour l’étape n°2 (pousser la neige), nous sommes deux chauffeurs toute la nuit pendant 3 semaines (soit environ 250 heures de bullage). Et ensuite, il me faut environ 2 jours pour tailler chaque mur en fonction des conditions (donc 3 à 4 jours en tout pour tailler la courbe).

 

Sans compter bien sûr le temps de production de neige artificielle en amont… 40.000 à 50.000 m3 de neige tout de même, produits par 4 enneigeurs dédiés au superpipe !

 

Tu as dû être rassuré avec les énormes chutes de neige de cet hiver 2018, non ?

Au contraire ! La meilleure neige pour construire un halfpipe, c’est la neige artificielle. La neige naturelle est trop molle pour construire un halfpipe « béton » dans lequel les riders vont pouvoir s’exprimer. Donc cet hiver, il a fallu d’abord enlever toute la neige naturelle de la préforme pour la mélanger avec de la neige artificielle… avant de la remettre en place. Par contre, les grosses quantités de neige naturelle étaient idéales pour les finitions : la butte de départ, les plateformes etc.

 

Quels sont les critères qui vont faire qu’un superpipe va plaire aux athlètes ?

Les riders veulent deux choses :

  1. Un halfpipe qui leur permet de garder la vitesse nécessaire pour enchaîner leurs tricks avec suffisamment de hauteur du haut jusqu’en bas du pipe…
  2. Mais avec un maximum de sécurité !

C’est pourquoi la forme du « U » est si importante : ils ne doivent pas perdre de vitesse à la transition entre la courbe et le plat, et ne doivent pas se faire « envoyer dans le décor » quand ils sortent du coping.

 

©Yoann PESIN

 

Facile non ? Il suffit de mettre le gabarit, et la forme est forcément bonne !

Hmmm… pas si simple ! Il y a 12 positions de lame sur la Zaugg, donc ça demande pas mal d’expérience pour construire la courbure parfaite.

 

Tu le construits… mais est-ce que tu le testes ?

Ce sont les riders qui testent le superpipe lors des entraînements avant la compétition. Ils me disent ce qui leur va, les zones à peaufiner. Par exemple, il est plus simple de refermer la courbe d’un halfpipe plutôt que de l’ouvrir. Donc je préfère faire un pipe un peu trop ouvert au départ, puis apporter les finitions en fonction des retours des riders.

 

Par contre, à défaut de tester le superpipe avant une compétition, j’ai déjà eu l’occasion d’essayer. Mais contrairement à un rider pro qui monte à 5 ou 6 m au-dessus du coping, je me fais déjà de bonnes sensations à 1 m ! Chacun peut se faire son petit shot d’adrénaline à son niveau, même en restant simplement dans la courbe sans sortir du coping. C’est déjà très impressionnant…

 

Une qualité essentielle pour devenir shaper ?

La patience ! Contrairement à un dameur qui « se balade » un peu sur le domaine et voit du paysage, un shaper de halfpipe passe des heures à monter et descendre sur moins de 200 m… Il faut vraiment être passionné !

 

J’aime dire que nous faisons de l’art éphémère, comme un château de sable : nous passons des nuits entières à construire quelque chose qui va finir par disparaître… pour mieux le reconstruire l’année suivante.

 

Une anecdote à partager ?

Quand on travaille de nuit, on est souvent seul. J’adore ces moments de calme ! C’est une atmosphère très particulière, on voit des choses que tout le monde ne voit pas (comme les premières lueurs du jour vers 6h). Et on fait parfois des rencontres insolites : il y a quelques jours, en redescendant du pipe, je suis tombé nez-à-nez avec un renard. Il n’y avait pas un bruit, juste lui et moi. C’était assez magique !

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